En 1971, la République populaire du Congo (devenue simplement "République du Congo") connaissait un calme relatif, qui n'était pas destiné à durer. La population y vivait en paix et mangeait à sa faim, mais le régime marxiste-léniniste pur et dur du commandant Marien N'Gouabi entretenait des milices de jeunes gens armés qui avaient l'œil à tout et la gâchette chatouilleuse. Il était interdit, notamment, de prendre des photos sur toute l'étendue du territoire sans autorisation expresse du ministère de l'information, et la prison de Brazzaville ne passait pas pour une villégiature trois étoiles. Quelques-unes de ces diapos Kodachrome et Ektachrome d'époque ont donc été faites à la sauvette, et je n'ai malheureusement pas pu prendre ces gros plans de visages qui donnent de la vie à une telle série... L'appareil était un Asahi Pentax Spotmatic, avec objectif Super Takumar 50 mm 1.4.
En arrivant entre les deux capitales, Brazzaville et Kinshasa, qui se font face, le fleuve Congo s'élargit et devient torrentueux, ce qui le rend non navigable en aval, jusqu'à la mer. Cette étendue d'eau est le Stanley Pool, du nom de l'explorateur et journaliste anglais qui conquit l'actuelle République démocratique du Congo (ex-Zaïre) au nom du roi des Belges Léopold II. C'est ce même Stanley qui retrouva le Dr Livingstone au bord du lac Tanganyika.
Pirogues de pêcheurs près du port atlantique de Pointe Noire.
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Chutes de la Bouenza.
Pas de parking à proximité... Une heure de marche dans la forêt. Pénombre ne veut pas dire fraîcheur (le pays est sous l'équateur). C'est dans ces atmosphères-là qu'on apprécierait un matériel tropicalisé.
Le marché et la vieille mission de Mindouli, à la saison des flamboyants. Les bâtiments de brique recevaient les voyageurs de passage, car le parc hôtelier se limitait à très peu de choses, dans un pays où les touristes étaient plus rares que les crocodiles. Seules les araignées étaient véritablement chez elles.
Ce gamin a aujourd'hui sensiblement dépassé la cinquantaine, et l'homme qui, sur la piste de latérite, portait sur la tête un porcelet emmailloté dans des feuilles de palmier, à destination du marché, n'est sans doute plus de ce monde...
Les femmes aux mangues.
Sans doute un géckonidé, espèce d'Afrique tropicale.
Tout a une fin, même les bananiers.
Carte des régions montrées ici. L'occasion de rappeler que Les Fruits du Congo est le titre du meilleur roman d'Alexandre Vialatte, dont l'histoire se déroule... en Auvergne.
Pierre Savorgnan de Brazza
Le célèbre explorateur qui offrit la souveraineté de l'Afrique équatoriale à la France mérite d'être cité, car c'est assurément le seul colonisateur qui soit encore honoré dans les anciens territoires français d'outre-mer. Pierre Savorgnan de Brazza (Rome, 1852-Dakar, 1905) est un aristocrate de riche famille italienne, naturalisé français. D'abord officier de marine, il se lance dans l'exploration du Gabon, du Bas Congo et de l'Oubangui-Chari (actuelle République centrafricaine), de 1875 à 1878. Il s'oppose d'abord à l'Anglo-Américain Henry Stanley, qu'il finit par abuser en signant un traité avec le roi Makoko.
Ses explorations et son administration des régions visitées furent facilitées par les relations maçonniques que Brazza entretenait avec les dirigeants de la IIIème République naissante. Mais il ne faut pas occulter les nombreuses critiques dont il fut l'objet, de la part d'autres personnalités de la colonisation, qui lui reprochaient un certain laisser-aller. Probablement n'appréciait-on pas chez Brazza un humanisme assez peu de saison au XIXème siècle, chez les conquérants de ces régions, et on peut mettre nombre de ces critiques sur le compte de jalousies locales. Le fait est que la plupart des détracteurs ont disparu des livres d'histoire, alors que le souvenir de Brazza est toujours vivace.
N'est-il pas étonnant que Brazzaville ait gardé le nom du colonisateur, même à l'époque du régime marxiste de Marien Ngouabi, dans les années 1970, tandis que l'ancien Congo belge de Stanley a changé plusieurs fois de nom, comme sa capitale elle-même, ex-Léopoldville ? Mieux encore, la dépouille de Brazza, inhumée d'abord à Alger, a été transférée en grandes pompes à Brazzaville, en 2006, le cercueil étant recouvert du drapeau français. Le gouvernement congolais de Denis Sassou Nguesso a financé une bonne part de l'imposant mausolée qui l'a accueillie (photo ci-contre). Il y a bien eu quelques protestations, de la part d'opposants locaux, mais de pure forme. Un ministre français assistait à la cérémonie, en présence de descendants de l'explorateur et du roi Makoko.
Il est vrai aussi que le nom de la capitale congolaise conserve une sonorité particulière dans toute l'Afrique francophone, ce qui suffirait à assurer sa pérennité. C'est là, en effet, que le général de Gaulle posa les bases de la décolonisation, dans une déclaration de 1944 devenue historique sous le nom de "discours de Brazzaville".
Pour ceux que cela intéresse, une vidéo de ce discours est proposée par l'Ina, qui en détient les droits. Son utilisation est strictement contrôlée. C'est un peu abusif, car ce document ne devrait appartenir qu'à l'histoire. Mais, respectueux de la loi, je le présente en lien.